Par Stéphanie Robert
« On devrait intégrer l’art de coopérer dans les règles de l’art de bâtir » estime Daniel Schoen, architecte et urbaniste, diplômé de l’école lorsqu’elle s’appelait l’ENSAIS. Il est associé de l’agence d’AAgroup à Lyon, et co-préside le réseau professionnel Ville et aménagement durable.
La robustesse plutôt que la performance
Daniel Schoen s’inspire de la pensée du biologiste Olivier Hamant : la performance n’est pas la robustesse. Notre société a le culte de la performance, ce qui la rend dépendante et peu résiliente. A l’inverse, un écosystème forestier est non performant mais robuste. « La vie est organisée de manière non performante, pour encaisser les variations, les perturbations. La robustesse est cette capacité d’adaptation, d’organisation et de résilience. Elle absorbe les aléas à l’instar d’un roseau qui plie sous le vent mais ne rompt pas » illustre-t-il. Il en va de même dans la construction : l’époque moderne tend à rechercher la performance, avec des matériaux, de l’énergie et des compétences lointaines, exogènes au territoire.
Les alliances locales
Il plaide pour la recherche de la robustesse, fondée sur la relocalisation des matériaux, modes constructifs, compétences et décisions à l’échelle du territoire. Ce qu’il appelle « l’alliance locale » : collaborer avec les partenaires du lieu, les habitants, bâtir avec les ressources et savoir-faire locaux. Privilégier la proximité plutôt que la distance.
« Chaque territoire peut innover » soutient-il. « Cette approche redonne du sens aux métiers d’architecte et d’ingénieur : les territoires accueillent ces projets désirables qui font du bien à tous ». Elle renforce la qualité des relations, développe la coopération entre les acteurs. Elle rejoint l’économie régénérative. Elle redonne aussi aux habitants une capacité d’agir sur leur cadre de vie.
Pour Daniel Schoen, les qualités à développer aujourd’hui et demain : la coopération, la frugalité, l’efficience, la bienveillance, l’écoute, la proximité, l’intelligence collective et l’alliance avec le vivant.
Scénarios de transition
Pierre Crispatzu, responsable RSE à l’INSA Strasbourg, partage une vision proche : « Aujourd’hui, on explore peu la sobriété. On préfère l’efficience : faire plus avec moins, plutôt que questionner l’usage et l’utilité » dit-il. Ancien ingénieur en économie circulaire à l’Ademe, il rappelle les quatre scénarios de transition vers la neutralité carbone 2050, modélisés par l’agence de la transition énergétique, du plus sobre au plus technosolutionniste, en fonction du choix de société : génération frugale, coopérations territoriales, technologies vertes, pari réparateur.
« L’ingénieur et l’architecte doivent sortir de leur position de neutralité et être humbles. Ils doivent intégrer les différentes dimensions du changement – économique, psychologique, sociologique et la gouvernance – pour participer aux scénarios de transition. » Selon lui, les qualités d’un projet sont aujourd’hui : la simplicité, la durabilité, la résilience, l’utilité. Au-delà de la technique, architectes et ingénieurs doivent développer des compétences interpersonnelles et psychosociales, pour écouter, dialoguer, coopérer.
Pour Daniel Schoen, « la meilleure façon de se retrouver est de tisser une coopération liée à un territoire et une culture. Elles emmènent le groupe, grâce au sentiment d’appartenance qui mobilise les personnes. C’est ce que nous apprennent les petites communes ».


