Initiative étudiante : l’art pour dire, aider et partager

Par Véronique Zeller le 21 avril 2021

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Alors que les initiatives se multiplient pour soutenir les étudiants dans l’épreuve de la crise sanitaire, Aude Loumeaud, étudiante en plasturgie à l’INSA Strasbourg, a eu l’idée d’un projet artistique collectif pour exprimer son ressenti et le partager. Son moteur : l’empathie et l’envie d’aider.

On le sait, entre confinement et cours à distance, entre mobilité compromise et job perdu, les étudiants sont touchés de plein fouet par les restrictions sanitaires, alors qu’ils sont dans la fleur de l’âge. « J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie » : la célèbre phrase de Paul Nizan résonne aujourd’hui différemment.
Début 2021, à l’échelle nationale, les étudiants commençaient à témoigner avec le hashtag #Etudiantsfantômes, rendant plus visible leur détresse. Le retour en présentiel s’est organisé et des initiatives nouvelles se sont ajoutées pour les soutenir, depuis le don de repas par des restaurateurs jusqu’aux dispositifs nationaux comme la plateforme #SoutienEtudiant et  l’accompagnement psychologique.

« Personne n’en parlait » 

Aude Loumeaud, étudiante en 4e année de plasturgie, a quant à elle voulu leur tendre une page blanche pour qu’ils puissent s’exprimer et partager. Fin janvier 2021, elle s’est rendue compte que la plupart des étudiants cachent leur détresse, par pudeur ou par peur de paraître faible. « J’ai découvert une de mes amies en larmes alors qu’elle paraissait aller bien et que nous sommes en foyer, nous ne sommes pas totalement isolés. Elle ne dormait plus, elle ne mangeait plus, elle tremblait, et elle ne montrait rien. Beaucoup d’étudiants disent qu’ils vont bien mais ce n’est pas vrai. Nous n’en parlons pas entre nous. Je voulais offrir une occasion de le dire pour partager. L’objectif est aussi d’ouvrir un dialogue pour faire bouger les choses » explique Aude Loumeaud.

50 contributions poignantes

Elle se rapproche d’Anke Vrijs, artiste et enseignante en arts plastiques à l’INSA Strasbourg, qui la guide dans son projet. C’est ainsi qu’a pris forme le projet Fantômes : fin janvier, les étudiants ont été invités par courriel à produire une image sous forme libre (dessin, collage, etc.) et quelques lignes pour exprimer leur mal-être. Seules contraintes, le gabarit A4 et une touche de rouge pour donner une unité visuelle au projet. Au 7 février, Aude avait reçu 50 contributions mariant texte et image. Elles ont été affichées dans les lieux de passage (escalier, hall) à l’INSA Strasbourg.
« Leave – Dismiss » ; « Et dans ce minuscule réduit, je suis emprisonnée. Si seulement je pouvais être Alice et passer… de l’autre côté de la visio. » ; « J’ai mal. Les couleurs fanent et je m’efface. Pour déjouer la mort, on nous arrache la vie. »… Les productions sont poignantes.

« Ça fait du bien de pouvoir s’exprimer et d’être entendus »

Vivien Josserand, en 3e année de génie mécanique, a contribué. « C’est une très bonne initiative. Ça fait du bien de parler du mal-être ressenti dans la population, et chez les étudiants en particulier, de pouvoir s’exprimer et d’être entendus. Ce n’est pas humain de rester enfermé une bonne partie de la semaine dans sa chambre, devant l’ordinateur ». Depuis le 8 février, les étudiants ont un à deux jours de cours en présentiel, mais le couvre-feu les empêche de sortir le soir… Soutenu par sa famille et ses amis, il dit aller relativement bien malgré tout. « L’école fait de son mieux, je la remercie de nous avoir laissés mener ce projet et de faire tout ce qu’elle fait pour nous » tient-il à ajouter.

 « La situation est la même partout, à l’INSA Strasbourg, on a eu le courage de parler » dit Aude. « Ce projet a contribué au dialogue, en parallèle d’autres actions comme la prévention psychologique, une enquête, des initiations à la méditation, des défis sportifs… Mais que faire pour ceux qui se sont éteints ? » Après six semaines d’exposition, les réalisations ont été décrochées des murs de l‘école. Aude, accompagnée de Charlotte Goulet, étudiante en 4e année du double cursus architecte ingénieur, réfléchit à un autre projet autour du sourire, pour ceux qui ont perdu la motivation. Parce que sa motivation à elle est d’aider le plus de personnes possible.

 

Stéphanie Robert

 

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