Chacun chez soi pendant deux mois. Le confinement a bouleversé nos vies. Les étudiants de l’INSA Strasbourg ont inventé des moyens de rester en lien pendant cette période inédite. Pour la formation, nombre d’entre eux ont installé des serveurs partagés et certains ont collectivement produit et animé un blog en remplacement du mythique voyage d’étude en architecture…
Un serveur partagé pour échanger et se soutenir
Par les étudiants en deuxième année de génie électrique
« Nous avions besoin de partager et de répertorier beaucoup d’informations dans beaucoup de domaines. Avec les messageries des réseaux sociaux, les informations se noyaient dans la masse. Avec Valentin, nous avons mis en place un serveur Discord pour notre classe, dès les premiers jours du confinement. Il a bien fonctionné, toute la classe se l’est approprié, c’était une bonne surprise » raconte Thomas Metzinger, initiateur et administrateur du serveur avec Valentin Mouradian.
Discord est un serveur partagé personnalisable, mêlant forums, messageries instantanées et « salons » audio et vidéo collectifs ou privés (visioconférences). Il est à l’origine utilisé par les communautés de jeux vidéo. Les deux étudiants l’ont adapté à leurs besoins en créant des « amphis » en salon vidéo, des espaces et des messageries par groupe et par matière, des profils étudiants et enseignants. Certains espaces sont collectifs, d’autres réservés aux membres concernés. « Nous avons tenté de rendre le serveur le plus ergonomique possible. Chacun ne voit que ce qui le concerne. Nous étions là aussi pour aider tous ceux qui en avaient besoin » explique Valentin. Ils y ont invité quelques enseignants qui avaient besoin de partager des informations avec la classe.
« Ça nous a soudés. On ne s’est jamais autant parlé »
Ils ont même créé un « salon de rassurage ». « C’est le salon de l’autodérision. On y raconte nos ressentis quand on a besoin d’être rassurés » s’amusent les deux complices. Car, plus qu’un outil de communication, ce serveur partagé a été un outil de solidarité, d’entraide et de cohésion pour la classe. « Il nous a clairement permis de rester en lien, voire de créer des liens. Tous les membres étaient sympathiques et bienveillants. Ça nous a encore plus soudés, on ne s’est jamais autant parlé. Il nous a permis de rester motivés, nous nous soutenions. Nous étions tous dans le même mouvement, personne n’était isolé » racontent-t-ils. « Nous avons sans doute moins appris qu’en présentiel à l’école, mais nous avons développé d’autres savoir-être et compétences comme l’autodiscipline, l’autonomie, la communication professionnelle, le travail en mode projet, l’organisation, la gestion du temps ».
Avec la fin des partiels, le serveur est moins utilisé. Les étudiants envisagent de le conserver et de l’utiliser à nouveau à la rentrée. Ces serveurs ont été largement mis en place par les étudiants dans les différentes spécialités. S’ils ont été une grande aide durant cette période, ils soulèvent toutefois des questions concernant la protection des données personnelles. Ils peuvent difficilement constituer une solution pérenne pour un établissement d’enseignement supérieur.
Lire aussi : Podcast / Discord : quand les étudiants créent leur innovation pédagogique
Voyage(s) à part, un blog carnet de voyage collectif et confiné
Par les étudiants architectes-ingénieurs en 3e année
Pour les élèves architectes ingénieurs, le voyage d’étude en 3e année est un moment très attendu. Un voyage d’une semaine à l’étranger pour observer et étudier l’architecture d’une ville ou d’une région, se perfectionner en dessin et se créer des souvenirs inoubliables. Cette année, les étudiants devaient découvrir le Portugal via un périple entre Porto et Lisbonne. « Nous étions très tristes et déçus qu’il soit annulé. En remplacement, nous avons créé notre blog : Voyage(s) à part. Le but était de renforcer la cohésion par le web à défaut de la renforcer par le voyage d’étude » raconte Charlotte Goulet, une des initiatrices du blog.
Sorte de carnet de voyage virtuel collectif et confiné, les étudiants y partagent leur dessins et ressentis de confinés : autoportraits ; dessins de leur pièce idéale d’après un « template » de la dessinatrice Pénélope Bajieu (#Coronamaison) ; « tranches poétiques » (poèmes avec les titres de leurs livres préférés) ; architecture et impressions du Portugal ; « écouter à la fenêtre » (enregistrements audio depuis leur chambre de confinés) et autres publications libres et spontanées (photos, vidéos, poèmes, feuilleton dessiné, billets d’humeur…). Leurs enseignants, Bruno Steiner et Nicolas Lavaud, y ont également publié des informations et carnets de dessin sur le Portugal. Une partie des productions postées est prise en compte dans l’évaluation des élèves.
« Je suis très heureuse qu’il ait si bien marché. Nous y avons tous publié. Nous avons découvert des talents que l’on ne soupçonnait pas. Nous avons appris à mieux nous connaître alors que nous étions tous confinés. Nous en sommes tous très fiers ! » se réjouit Charlotte Goulet.
Pour s’y promener, c’est ici : Voyage(s) à part
Propos recueillis par Stéphanie Robert