Intelligence artificielle : et si l’ordinateur pouvait lui aussi créer ?

Par Olivia Martinet le 28 avril 2014

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Dessin Wei

 

Après sa première année de doctorat en Chine, Wei Yan est venue à Strasbourg pour poursuivre sa thèse dans les laboratoires de l’INSA de Strasbourg, attirée par les recherches en intelligence artificielle et sur TRIZ. En quatre ans, elle a mis au point un système intelligent pour faciliter et automatiser le processus d’invention. HAL[1] n’est pas si loin qu’on le croit…

Vous êtes inventeur. Imaginez un ordinateur à qui vous soumettriez votre problème très complexe et qui le résoudrait pour vous en vous proposant plusieurs solutions sur la base de l’expérience acquise par des milliers d’inventeurs avant vous, quelle que soit la discipline… En grossissant un peu le trait, c’est à peu près ce qu’est parvenue à réaliser Wei Yan. Elle vient de soutenir sa thèse, conjuguant habilement sciences de l’ingénieur et informatique.

De Qufu à Strasbourg

Wei est née il y a 29 ansà Qufu, la ville où vécut et repose Confucius. Elle qui rêvait d’être écrivain s’est finalement orientée vers l’informatique qui offre de plus sûrs débouchés. Après une première année de thèse à l’Université de Xidian, elle a candidaté au programme UT-INSA[2] pour mener ses recherches au LGéCo et à ICube. « Nous cherchions un doctorant pour formaliser nos travaux en conception inventive, quelqu’un qui soit capable de créer un pont entre sciences informatiques et sciences de l’ingénieur. Par chance, nous avons trouvé une candidate brillante qui s’est immergée dans les sciences de la conception, encadrée par Cecilia Zanni-Merk » explique Denis Cavallucci, son directeur de thèse.

L’invention en équations

Sa thèse consiste à mettre au point un « système intelligent de gestion de connaissances », un outil logiciel très puissant pour aider les experts à utiliser la méthode TRIZ. Pendant ces quatre années, elle a d’abord repris toutes les bases de connaissances de TRIZ, tous les travaux du LGéCo, puis les a complétés pour parvenir à formaliser et modéliser le processus inventif. Elle a ainsi développé un « système à base de connaissances » qui facilite et automatise le processus de résolution des problèmes inventifs. Ce faisant, elle a su mettre en équations et décrire, avec des algorithmes, l’invention : ce processus hautement intellectuel, qui paraît purement cognitif et relever de l’intuition, de l’idée ou de l’inspiration. C’est sans doute cet aspect assez paradoxal qui a attisé l’intérêt et la curiosité de la communauté scientifique.

Déjà cinq publications et neuf conférences à son actif

Avant même d’avoir soutenu sa thèse, Wei Yan a déjà publié cinq articles dans des revues scientifiques et présenté ses travaux lors de neuf conférences. Une production exceptionnelle pour une doctorante[3], qui lui vaut déjà deux belles propositions d’universités chinoises pour un poste d’« associate professor », un grade normalement ouvert aux enseignants-chercheurs ayant au moins trois ans d’expérience. Cette grande capacité à coucher ses idées sur le papier, cette aisance dans l’écriture n’est pas sans rappeler le rêve d’enfant de Wei de devenir écrivain.

Photo  Wei

Kim Loan. Crédit photo : Klaus Stöber pour l’INSA de Strasbourg.

La jeune chercheuse, que son directeur de thèse qualifie de « pugnace », « hardie » et « toujours avec la joie de vivre » a maintenant deux rêves : enseigner en Chine, dans sa province natale, et rester en lien avec le LGéCo et ICube pour coopérer dans ce domaine pointu qu’est la conception assistée par ordinateur. Quant au LGéCo, après le travail « titanesque » de Wei, il recherche un autre doctorant, pourquoi pas un ingénieur INSA, désireux de tester, auprès des entreprises, l’outil qu’elle a mis au point et qui pourrait s’avérer révolutionnaire… A bon entendeur !

Wei Yan « Modélisation des (méta)connaissances en conception inventive », thèse dirigée par Denis Cavallucci (LGéCo) et Pierre Collet (ICube), encadrée par Cecilia Zanni-Merk (maître de conférences à l’INSA de Strasbourg, chercheuse à ICube) et financée par le China Scholarship Council, 2010-2014.

Stéphanie Robert

 

[1] Système avancé d’intelligence artificielle, dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968)

[2] Programme d’échanges et de coopération entre les universités technologiques chinoises et les INSA français.

[3] On demande habituellement aux doctorants au moins une publication dans une revue scientifique.

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