Témoignage de Clémence Dubois : double diplômée INSA de Strasbourg – KIT

Par Véronique Zeller le 08 décembre 2015

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Clémence Dubois, ingénieure topographe double diplômée INSA de Strasbourg – KIT en 2011, a soutenu en novembre 2015 sa thèse de doctorat au KIT sur le thème « Interférométrie RADAR à synthèse d’ouverture et radargrammétrie au service de la catégorisation de changements urbains ».

Voici son témoignage :

 

En quoi a consisté votre travail de recherche ?

Mon travail de recherche ambitionne la catégorisation de changements urbains à partir d’imagerie satellite. Lors d’une catastrophe naturelle, les zones les plus à risque en termes de pertes et de dégâts sont les zones urbaines, et en particulier les bâtiments. Le but était de définir différentes catégories de changement au niveau des bâtiments (non-endommagé, partiellement endommagé, complètement endommagé) et de les détecter rapidement à partir d’images satellites. Pour ce faire, l’imagerie utilisée doit garantir une application rapide, indépendante de l’heure du jour ou du temps qu’il fait. C’est l’avantage de l’imagerie satellite RSO (RADAR à synthèse d’ouverte) que j’ai utilisée dans mon travail. En particulier, deux techniques RSO complémentaires ont été utilisées : l’interférométrie et la radargrammétrie. L’analyse de l’apparence des bâtiments avec ces deux méthodes m’a permis de les identifier et de définir leurs dimensions (longueur, hauteur) automatiquement, à la fois avant et après changement, permettant de conclure si un bâtiment a été endommagé.

Y a-t-il des applications possibles ou envisageables de votre travail de recherche ?

Bien sûr ! Les services de cartographie rapide (par exemple le SERTIT à Strasbourg ou le DLR-ZKI à Munich) recherchent à automatiser le traitement d’image satellite après une catastrophe, afin d’accélérer la cartographie des lieux touchés et de pouvoir livrer rapidement des informations aux autorités sur l’état des lieux. Cette information est très importante, entre autres, pour les équipes de secours, qui cherchent à la fois à localiser les bâtiments endommagés pour venir en aide à un maximum de victimes, mais aussi les lieux épargnés (par exemple gymnases, halles) pour pouvoir loger les victimes.

Mais ce n’est pas la seule application possible : on pourrait aussi définir de nouvelles catégories de bâtiments (par exemple « construction nouvelle »), ce qui permettrait de mettre à jour automatiquement l’information cartographique de nombreuses villes.

Pour l’instant, mon algorithme se limite à un certain type de bâtiments, mais il serait intéressant de le généraliser pour permettre une application plus globale.

Vous avez les deux diplômes, celui d’ingénieure topographe de l’INSA de Strasbourg et celui de Diplom-Ingenieurin in Geodäsie und Geoinformatik du KIT : comment avez-vous vécu ce parcours ?

J’ai beaucoup aimé, et beaucoup appris. Ayant été fascinée par la langue allemande dès que j’ai commencé à l’étudier, j’ai sauté sur l’occasion dès que le double-diplôme a été proposé à l’INSA de Strasbourg. Le reste du cursus s’est déroulé comme un jeu : au début, on essaye de comprendre les règles (la méthode pédagogique, la langue, le mode de vie allemand…). Après quelques temps, on a pris ses marques et on évolue, on apprend chaque jour quelque chose de nouveau, on se réjouit de petites avancées (compréhension et expression de la langue), puis de plus grosses (premier oral réussi). Évidemment, ça n’a pas été tous les jours facile et il m’arrive encore de me demander si ça aurait été plus simple de rester en France. Mais ces périodes de doute se sont faites de plus en plus rares et courtes, et je suis extrêmement fière de pouvoir me sentir chez moi dans ces deux pays et de pouvoir profiter de leurs avantages respectifs. Et la langue allemande est tellement fascinante : c’est l’une des rares langues où il suffit d’accoler deux ou trois mots pour en créer un nouveau qui a du sens !

Et puis, Strasbourg n’étant qu’à 80km de Karlsruhe, j’ai eu la chance de pouvoir revenir régulièrement à Strasbourg et à l’INSA, pour assister entre autre aux journées de la topographie, revoir quelques amis ou tout simplement profiter de la ville ! J’ai aussi pu garder un bon contact avec les profs, notamment Mme Landes, qui a été pendant le double-diplôme, et encore après, un important soutien !

Qu’avez-vous particulièrement aimé dans ce parcours ?

C’est difficile de trouver une chose en particulier, car c’est plus un ensemble. Peut-être que le terme « interculturalité » serait un bon résumé. J’ai aimé l’INSA de Strasbourg, les cours structurés, les examens réguliers avec masse d’apprentissage prévisible, les samedis matins passés dans le labo topo avec la moitié de la promo pour finir de tracer les plans papiers, les nuits blanches passées avec les copains pour finir les TPs ou bien construire des cadrans solaires !! J’ai aimé le KIT, le fait d’avoir moins d’heures de cours pendant la semaine, d’avoir le temps de les retravailler tout en ayant du temps pour soi à côté, le principe d’examens mi-oraux mi-écrits. Mais au-delà du cursus en lui-même, j’ai aimé découvrir une culture différente, bien que restant européenne. Je vis maintenant depuis plus de six ans en Allemagne, et je suis extrêmement fière de sentir mon appartenance aux deux cultures. C’en est même parfois effrayant quand des collègues me demandent comment une certaine chose se passe en France et que je suis obligée de constater que je connais mieux le système de santé ou le système des impôts de mon pays d’accueil, mais c’est ce qui fait aussi tout le charme d’un tel échange !

Quelles sont les perspectives que vous ouvrent le double diplôme et la thèse ?

Les perspectives sont multiples. Au moment de la recherche d’emploi, le double-diplôme montre notre capacité à maîtriser les méthodes et règlementations de deux pays et termes techniques de deux langues. A l’heure où beaucoup de projets donnent lieu à des coopérations internationales, c’est un clair avantage. Le nombre de perspectives est aussi multiplié par deux, car je ne dois plus arrêter ma recherche d’emploi à la frontière, mais peux viser la France, l’Allemagne, mais aussi la Suisse et l’Autriche.

Durant ma thèse, j’ai aussi eu l’occasion de séjourner en Italie et d’effectuer de nombreux voyages lors de conférences internationales, ce qui m’a permis de parfaire ma maîtrise de l’anglais, m’ouvrant encore plus de portes, à la fois dans le domaine de la recherche, mais aussi dans de nombreuses –moyennes à grandes- entreprises, où les équipes sont de plus en plus multinationales.

De plus, la mention « double-diplôme » est un atout pour de nombreuses offres d’emploi ou l’on doit montrer que l’on est prêt à effectuer des déplacements, soient-ils à court ou moyen termes, au national ou à l’international.

Quelles entreprises sont intéressées par votre profil ?

Tout d’abord les centres de recherche publics, semi-privatisés ou privatisés, tels que les laboratoires de recherche en photogrammétrie et télédétection des universités et les services de traitement d’image des centres aérospatiaux. Là, mon profil me permet de m’intégrer facilement dans une équipe de recherche pour traiter un ou plusieurs projets au sein même de l’équipe, développer de nouvelles idées et obtenir de nouveaux projets.

Mais mon profil intéresse aussi des entreprises privées de traitement de l’information ou les collectivités locales ayant des partenariats multiples, pour lesquelles des chefs de projets capable d’écrire des rapports en différentes langues, de gérer des équipes de taille moyenne et de créer des coopérations à l’international sont recherchés.

Avez-vous un conseil à donner à des étudiants intéressés par un tel parcours ?

N’hésitez plus…Foncez !!

Je suis convaincue qu’on ne peut que ressortir gagnant d’un tel parcours. C’est sûr, avant de partir, on a des craintes. Mais c’est comme avant un nouveau job : qui n’en a pas ? Personnellement, j’avais peur de m’éloigner plus vite que prévu de mes amis de l’INSA et de ne pas me faire bien comprendre des Allemands. Après la première heure de cours en Allemagne, je me suis demandée comment j’allais réussir à l’examen, n’ayant quasiment rien compris ! Mais, avec un peu de persévérance, tout s’arrange : j’ai continué de voir régulièrement mes amis de l’INSA, tout en me faisant de nouveaux amis ici. Les Allemands sont parfaitement conscients que leur langue est difficile à apprendre, et même eux ne connaissent pas toujours les articles de tous leurs noms communs, ce qui les rend particulièrement compréhensifs. En plus, ils adorent l’accent français ! Et en ce qui concerne les examens : c’est comme partout, il faut apprendre et travailler. Après un premier semestre complètement immergé dans le pays, la langue n’est plus vraiment un obstacle

Clémence Dubois, 30/11/2015

Crédit photo : Jens Leitloff

Crédit photo : Jens Leitloff

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